Discours prononcé par Jeanine Soulier, Présidente de l’association Hôtel social 93 lors de cette jou
C’est avec grand plaisir que nous vous accueillons aujourd’hui dans le bâtiment rénové, et pour partie reconstruit, de l’hôtel familial. Celui-ci abrite depuis de nombreuses années des familles privées de logement et nous attendions avec impatience de pouvoir leur offrir un cadre de vie agréable où prendre un nouveau départ.
En effet, si le projet de rénovation était « sur le métier » depuis 2010, il n’a finalement abouti qu’en 2018 au terme d’innombrables difficultés.
Jamais dans l’histoire de l’association nous n’avons autant bataillé, autant espéré, autant résisté qu’en ces lieux, pour rénover un centre d’hébergement.
Et huit années c’est long, c’est épuisant…
Pourtant notre seule ambition était de faire place aux plus pauvres au cœur de la ville, d’où ils sont habituellement chassés, de faire le pari d’une architecture qui rende justice à son centre historique et à ses habitants, de garantir aux familles accueillies le confort et l’intimité que chacun est en droit d’attendre.
Bien sûr, je ne ferai pas aujourd’hui l’inventaire des obstacles qu’il nous a fallu surmonter. Mais il me paraît important d’insister sur certains points afin de témoigner des efforts considérables que font les associations comme la nôtre pour sortir de la rue les centaines de personnes qui s’y trouvent encore. Afin que vous sachiez les risques financiers qu’elles sont contraintes de prendre, pour faire échec aux intérêts des uns et à la pusillanimité des autres. Pour rendre hommage enfin, à ceux qui agissent avec justice, savent s’engager et tiennent parole.
Voilà donc à grands traits l’histoire de ce projet :
➢ En avril 2010, nous avons déposé un dossier en vue d’obtenir des crédits pour l’humanisation de ce bâtiment. Dans une délibération, aux accents sans doute prémonitoires, le Conseil d’administration avait manifesté une certaine frilosité avant de donner un accord définitif, car l’association était déjà engagée sur deux autres chantiers similaires. Il s’agissait en effet de profiter de crédits d’investissements exceptionnels.
➢ En juin 2010, dans le même élan, nous avons fait une première demande de permis de construire. Et c’est là que nos ennuis ont commencé. Je dis « première demande » car il y en a eu trois (octobre 2011 et juillet 2012). En effet, le Député -Maire de Noisy avait d’autres projets pour cet endroit (d’autres ambitions…) mais ne s’en était pas ouvert. Aussi, par des manoeuvres dilatoires de toutes sortes (sursis à statuer, consultation superfétatoire des architectes des monuments de France, intimidation, changement de PLU, in fine refus motivé par l’absence de 2 places parking) a-t-il cherché à nous décourager.
➢ C’est ainsi que 5 ans après notre 1ère demande (en août 2015), à la faveur d’un changement de municipalité, nous avons pu renouer le dialogue et désensabler le projet. Et ce fut un réel plaisir en même temps qu’un grand soulagement que d’avoir enfin des interlocuteurs de bonne foi.
➢ En fin d’année 2015, fort de cette confiance retrouvée, nous avons donc décidé de lever l’option d’achat dont était assorti le bail emphytéotique grâce auquel nous avions jusqu’alors l’usage du bâtiment et des jardins dans lesquels nous nous trouvons. Nous avons également lancé sans attendre les appels d’offres nécessaires à la consultation des entreprises. Mais beaucoup de temps avait passé…et le coût irréductible des travaux dépassait maintenant l’enveloppe prévue. Nous avons néanmoins pris le risque de les entreprendre.
➢ En fin d’année 2016, Madame le Maire de Noisy-Le-Grand est encore une fois intervenue en notre faveur, en garantissant l’emprunt qui nous était désormais nécessaire. Mais avant cela, il avait fallu demander la prorogation exceptionnelle de la décision de financement PLAI dont le délai de validité avait expiré. Prorogation fort heureusement accordée par l’Etat. Tout semblait donc aller pour le mieux quand un ultime coup du sort a interrompu l’avancement des travaux. Les Soeurs aveugles de Saint-Paul, qui jusque-là avaient toujours été nos alliées, ont décidé de contester les termes du bail emphytéotique signé 20 ans plus tôt, afin d’obtenir la revalorisation complète du prix de vente de la propriété. Soit un renchérissement de près de 600 000 €. Maître Bouruet-Aubertot a donc retrouvé le chemin du prétoire pour défendre nos intérêts, près le tribunal de grande instance de Bobigny, après le succès qu’elle avait obtenu près le tribunal administratif concernant le refus du permis de construire.
➢ Le TGI nous a donné raison fin 2017 et son jugement nous a rendu propriétaires des lieux dans un délai à peine compatible avec le temps restant à courir pour bénéficier des subventions qui nous avaient été accordées. C’est donc dans l’angoisse de perdre définitivement nos financements que nous avons passé cette dernière année. Nous n’en avons pas encore terminé avec les Sœurs aveugles de Saint-Paul. Il nous reste encore quelques combats à mener. Mais nous avons toujours su faire face à l’adversité et ce bâtiment entièrement rénové en est la preuve.
C’est pourquoi même au prix de tant d’efforts et de tant de jours passés de « Charybde en Scylla » ce projet a définitivement pour moi le goût de la victoire.
Je souhaite donc laisser au passé ce qui lui appartient pour ne plus considérer que les fruits de notre persévérance et l’espérance en un monde plus juste, plus humain, auquel sans avoir forcément hérité des meilleures cartes, chacun peut tout de même participer.
Bien sûr, je ne terminerai pas sans adresser le témoignage de ma plus grande gratitude à ceux et celles qui nous aidés et soutenus au cours des longues années qu’a duré ce projet. Ma gratitude n’oublie personne. Mais je citerai particulièrement aujourd’hui :
- Madame Brigitte Marsigny, Maire de Noisy-Le-Grand ; - Notre avocate, Maître Bouruet-Aubertot sans cesse à nos côtés ; - Nos architectes, qui ont réalisé l’impossible ; - L’ensemble de nos financeurs pour leur soutien et leur confiance : l’Etat, le Conseil régional d’Ile-de-France, l’agence nationale de l’habitat, la BNP - Toutes les entreprises qui ont travaillé sur ce site dans des délais très contraints ; - Et bien sûr, tous ceux que j’aurais volontiers cité en premier si la politesse n’exigeait pas qu’il en fut autrement : les salariés de l’hôtel social (équipe de direction et de maintenance en particulier).
Enfin, à tous ceux qui ne nous ont pas aidés, voire nous ont savamment mis des bâtons dans les roues, j’adresse juste un petit signe. Une autre fois peut-être serez-vous de ceux sur qui l’on peut compter.
Bonne visite à tous.